1946. La Seconde Guerre mondiale n'est plus qu'un mauvais souvenir et Staline invite les exilГ©s Г revenir au pays pour en assurer la reconstruction. C'est ainsi qu'AlexeГЇ, mГ©decin d'origine russe installГ© en France, regagne sa terre natale en compagnie de sa femme, Marie, et de leur fils. Mais sitГґt arrivГ©, le couple se heurte au rГ©gime dictatorial soviГ©tique. Interrogatoires brutaux et destruction des passeports sont, entre autres, les cadeaux de bienvenue de leurs nouveaux hГґtes. AccusГ©e d'espionnage et condamnГ©e Г passer le reste de ses jours en URSS, Marie se lance alors dans un combat Г©perdu pour regagner l'Ouest, soutenue par Sacha, qui partage un appartement communautaire avec la famille.
Critique lors de la sortie en salle le 01/09/1999
Par Louis Guichard
Une page d'Histoire saisie à travers un récit très romanesque. ainsi se présentait Indochine, en 1992. Ainsi se présente aujourd'hui Est-Ouest, le nouveau film de Régis Wargnier. Le genre rebute totalement les uns et attire les autres, sans qu'ils osent toujours s'en vanter. Ces derniers auront cette fois un argument solide. la matière historique, originale et méconnue, qui alimente la fiction. Est-Ouest évoque en effet le sort des Russes émigrés à l'Ouest avant la Seconde Guerre mondiale et revenus chez eux en 1946, attirés par la propagande stalinienne (lire ci-dessus). Sandrine Bonnaire incarne Marie, l'épouse française de l'un de ces émigrés, Alexeï (Oleg Menchikov), jeune médecin qu'elle accompagne, avec leur garçonnet, dans son retour au pays. S'ils se trouvent heureux en URSS, ils s'y installeront définitivement ; sinon, ils retourneront en France. Or, dès l'arrivée à Odessa, ils se heurtent à la violence du régime. Alexeï, et plus encore Marie, accusée d'espionnage, vivront un cauchemar en URSS, mais ils ne pourront plus en partir. Le film raconte les efforts éperdus de la jeune femme, des années durant, pour regagner l'Ouest, sous l'oeil ambigu de son époux. Très différent en cela d'Indochine, mélodrame exotique, Est-Ouest s'apparente à un thriller, où le lieu et l'époque ne sont supposés exercer aucune fascination, plutôt une curiosité mêlée d'angoisse. L'installation du jeune couple dans un appartement communautaire de Kiev, miteux et grouillant de pensionnaires, donne ainsi l'un des meilleurs moments du film, qui ressemble alors, fugitivement, à une chronique bien documentée. Mais, vite, le récit reprend ses droits, avec sa logique (celle du piège), son timing, ses impératifs et ses artifices. On verra donc les époux se détacher progressivement l'un de l'autre, en vertu d'un mystère entretenu jusqu'à la fin ; on assistera au flirt de Marie avec un jeune Russe, membre de l'équipe nationale de natation, mais déterminé à passer à l'Ouest coûte que coûte ; puis à l'apparition d'une comédienne française du TNP en tournée en URSS, sorte de Simone Signoret romancée, désireuse d'aider Marie, et interprétée par une Catherine Deneuve très bienvenue. Ces péripéties, avec leur part inévitable d'invraisemblances, Régis Wargnier les filme classiquement, presque sèchement, confiant dans l'intérêt en soi du sujet, plus soucieux de suspense que de lyrisme. Au chapitre des réserves, la représentation des autorités soviétiques n'échappe guère à une impression de caricature, et le réalisateur peine à faire ressentir les effets du long séjour de Marie au goulag (qui n'est pas montré). Mais le film recèle de belles plages de tension, où l'histoire s'impose pour de bon, comme par forcing. Le dénouement, enlevé, efficace, en est le meilleur exemple. C'est une chance. parfois, la dernière page d'un roman en rehausse sensiblement la valeur. Louis Guichard