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"Albert Nobbs". dans un Dublin victorien, l'équivoque d'une travestie

Voilà trente ans que Glenn Close veut porter à l'écran ce personnage qu'elle a interprété sur scène à Broadway.

Le Monde | 21.02.2012 à 15h18 | Par Thomas Sotinel

Quitte à passer une fantaisie à l'une des meilleures actrices américaines, on aura plus d'indulgence, d'admiration, voire de tendresse, pour l'Albert Nobbs de Glenn Close, que pour la Maggie ferrugineuse de Meryl Streep (La Dame de fer ). Voilà trente ans que Glenn Close veut porter à l'écran ce personnage qu'elle a interprété sur scène avec assez de panache pour remporter un Obie, les trophées qui couronnent les spectacles off de Broadway à New York.

Albert Nobbs est serveur dans un hôtel de Dublin, à la fin du XIX e siècle. C'est un être discret, à la peau translucide, au visage figé dans une semi-grimace. Quand il coiffe son chapeau melon, on est forcé de penser à un autre étranger, affublé d'une canne et d'une moustache, dont l'apparition suffisait à déranger l'ordre établi. Non que la subversion soit au programme d'Albert Nobbs. La seule ambition de cette créature est de vivre cachée, afin de celer son secret. Albert est une femme. Pour échapper au sort des femmes solitaires, elle a endossé l'uniforme du serveur et accomplit ses tâches ancillaires avec zèle, économisant chaque farthing de pourboire dans l'espoir d'acheter un jour un bureau de tabac .

Cinéaste pour femmes

Glenn Close décrit (et écrit, puisqu'elle a participé au scénario) son personnage de manière tout à fait inattendue. Il n'est pas question pour elle d'adopter la démarche, la voix ou les expressions d'un homme. Cette solution est réservée à un autre personnage, Herbert Page (Janet McTeer), une femme qui vit la vie d'un peintre en bâtiment, dont l'irruption bouleverse l'existence d'Albert.

Prenant conscience de l'existence, à ses yeux idéale, d'Herbert, qui a non seulement un métier mais une femme et une maisonnette, Albert Nobbs tente alors de se défaire de la fragile carapace qu'il a sécrétée dans sa solitude. Sous le masque cireux que s'est fait Glenn Close, les émotions finissent par affleurer. On n'attendait pas autant de nuances, de délicatesse, d'une actrice qui a parfois versé dans l'excès, au temps où elle faisait cuire les lapins sans les dépouiller .

Reste qu'Albert Nobbs n'est pas seulement un personnage mais aussi un film, signé Rodrigo Garcia. Le fils du Prix Nobel de littérature colombien s'est établi à Hollywood à l'enseigne de "cinéaste pour femmes" et, de fait, on retrouve dans cette reconstitution historique une méticulosité, une joliesse que l'on associe - dans la science du marketing cinématographique - au marché féminin.

L'Hôtel Morrison, où travaille le valet de chambre, est peuplé d'un microcosme qui ferait honneur à une minisérie de la BBC. la soubrette au coeur trop prompt à s'enflammer. le bon docteur alcoolique, le voyou qui s'insinue dans ce petit monde. l'aristocrate débauché. Cette galerie remonte son handicap grâce à une distribution impeccable. dans l'ordre des emplois énumérés, Mia Wasikowska, Aaron Johnson, Brendan Gleeson et Jonathan Rhys Meyers.

Cette médaille britannique a ici son avers. le dérèglement inhérent au travestissement des deux personnages principaux qui offre un fructueux contraste avec la forme léchée, un peu conformiste, de la mise en scène. C'est ainsi qu' Albert Nobbs - le film et le personnage - finit par subvertir l'ordonnancement victorien de ses apparences.

Film américain de Rodrigo Garcia avec Glenn Close, Janet McTeer, Mia Wasikowska. (1 h 53.)